•      L'aube était trop douce et le ciel trop bas, les dernières silhouettes de la nuit fuyaient le matin fatigué. Je l'ai croisée au détour d'une rue, sortie d'on ne sait où, petite ombre brune échappée d'on ne sait quels bras complices, furtive comme les caresses coupables.
         Sa peau était trop pâle et son regard trop grand. Elle serrait tout contre elle un soyeux parapluie froissé, et les parfums encore mêlés d'une nuit volée à leur vie. Le monde était absent et ses pas légers comme son cœur ; j'ai fait semblant de ne pas l'avoir remarquée pour ne pas déranger son sourire.
         Lui devait être de cet âge où l'autre a oublié ce qu'attention veut dire, où le commun rattrappe des chimères depuis longtemps enfouies, et j'imaginais ses tempes un peu argentées se pencher sur les rires voluptueux et imaginatifs d'une jeunesse qui n'avait attendu que lui.
         Elle allait se reposer, laissant se diffuser dans ses draps des souvenirs brûlants, et lui se laisser à nouveau kidnapper par un quotidien ni plus ni moins. Et demain...
         Demain elle s'ennuierait de lui, demain elle lui manquerait, la courbe délicieuse de ses fesses, de ses seins, si bien faite pour le creux de ses mains ; il voudra encore la fraîcheur d'une amante si douce avec son corps, si accordée à ses désirs qu'il en fut étonné la première fois, comme si elle l'avait inventée. Il se sentira penaud et vide de ne pouvoir la remplir de jouissance, et elle n'aura de pensée que pour ce corps qu'elle connaît déjà comme s'il était le sien, pour cet homme qu'elle aime comme seul peut faire aimer l'interdit...


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